Isthme aquitano-pyrénéen

Il y a plus de 2000 ans, le philosophe et scientifique Posidonios (repris par Strabon, dans sa Géographie) décrivait l’isthme pyrénéen, de 370 km environ entre océan Atlantique et mer Méditerranée. De part et d’autre, il distinguait l’isthme entre les deux « golfes celtiques » ou « galatiques », (golfe de Gascogne et golfe du Lion) soit les terres en Gaule(s), et l’« isthme ibérique » soit celles vers le sud, en Ibérie (Espagne et Portugal ultérieurs). L’appellation isthme pyrénéen peut s’appliquer au piémont français comme au piémont espagnol des Pyrénées. Le pays basque comme les pays catalans, chacun à une extrémité de la chaîne, s’étendent sur ces deux piémonts.

« Toulouse (Tolosa) est bâtie sur la section la plus étroite, évaluée par Posidonius à moins de 3000 stades, de l’isthme » (Strabon). A l’est de Toulouse s’étendaient les territoires des Volques (cf. allemand Volk : peuple) Tectosages, et Arécomiques vers le Rhône. A l’ouest de Toulouse, entre Pyrénées et Garonne jusqu’à l’océan Atlantique, se trouvait l’Aquitania, décrite par Jules César et Strabon, des peuples Aquitani (aquitans ou aquitains). Leur nom se retrouve dans celui du bassin aquitain, qui s’étend entre Pyrénées et Massif central.

Pyrénées, isthme et Aquitania (de César) sont parmi les plus anciens noms géographiques pour caractériser le Sud-Ouest français d’avant la France. Proposition englobant les pays aquitans, le piémont pyrénéen et le bassin de l’Aude : isthme aquitano-pyrénéen, de l’océan Atlantique à la mer Méditerranée. Des fleuves Adour à Aude, via la Garonne et ses affluents pyrénéens dont l’Ariège.

Bibliographie : Strabon. Géographie : livres III et IV. Les Belles Lettres, Paris (Janvier 2003).

Fleuves et rivières du Sud-Ouest : partage des eaux et régions

440px-adour-garonne-regionsBassin Adour-Garonne

Frontières

L’idée de « frontières naturelles » (mers, montagnes) a été émise, en France notamment, comme argument géographique pour définir des limites « naturelles » de pays. Les fleuves et rivières aussi furent vus souvent comme de telles frontières naturelles entre populations, provinces ou pays. Déjà, Jules César utilisait les fleuves pour limites dans sa description des trois Gaules (Aquitania/Aquitanie, Celtique et Belgique) au début du Livre I de son récit Guerre des Gaules (p.1 éd. Les Belles Lettres, Paris, 2007) :

« L’ensemble de la Gaule est divisé en trois parties », écrit J. César, qui nomme leurs peuples respectifs : les Belges (Belgae), les Aquitans (Aquitani), les Celtes (Celtae) ou Gaulois (Galli, en latin).

« Tous ces peuples diffèrent entre eux par le langage, les coutumes, les lois. Les Gaulois/Celtes sont séparés des Aquitans par la Garonne (Garunna), des Belges par la Marne (Matrona) et la Seine (Sequana) » écrit-il ensuite.

Liaisons

Cependant, les cours d’eau ont aussi une fonction de liaison, pour le transport des hommes et des marchandises, documentée depuis la protohistoire : outre le Rhône et la Loire, l’axe Aude-Garonne permet déjà de passer de la mer Méditerranée à l’océan Atlantique via l’isthme Midi-Pyrénéen (p. 27, L’âge du Fer en France, P. Brun & P. Ruby, La Découverte, 2008). Sans omettre les pirates Vikings (du VIIIe au XIe siècle) pour qui fleuves et rivières furent des voies de pénétration loin à l’intérieur des terres, et non des barrières.

Cette fonction de liaison est une justification pour décrire dans un seul ensemble le bassin d’un fleuve et de ses affluents. Aux deux principaux fleuves pyrénéens, Adour et Garonne, s’ajoute la Dordogne qui conflue avec la Garonne dans l’estuaire de la Gironde. Puis la Charente, dont le bassin couvre les deux départements de Charente et Charente-Maritime.

Bassin Adour-Garonne

Comparé au découpage en départements, le bassin Adour-Garonne (et Dordogne) couvre l’essentiel des ex-régions ‘Aquitaine’ et ‘Midi-Pyrénées’, et en partie le département de Lozère. Mais l’ex-région ‘Languedoc-Roussillon’ (Aude, Hérault, Gard) reste distincte : l’Aude et l’Hérault sont deux fleuves côtiers dont le bassin respectif est compris dans le département éponyme ; et le Gard est un affluent du Rhône. Sur la base des bassins versants, ce sont ‘Aquitaine’ et ‘Midi-Pyrénées’ qui forment une fusion naturelle.

Et si on prenait la ligne de partage des eaux entre bassins de (Charente, Dordogne, Garonne)  et bassin de la Loire, comme délimitation de régions ?

Le seuil du Poitou (situé environ 30 km au sud de Poitiers) fournit un repère géographique de limite régionale nord/sud  : il marque la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Loire au nord, et celui de la Charente au sud. De même, il sépare le Poitou (au nord) des deux départements charentais (au sud) qui marquent le début du Bassin aquitain. S’y superpose une ligne de changement climatique entre le Bassin parisien (au nord) et le Bassin aquitain (au sud) qui bénéficie d’un climat océanique plus chaud.

Près du seuil du Poitou, plusieurs « batailles de Poitiers » historiques furent déterminantes :

507, à Vouillé : victoire des Francs de Clovis sur les Wisigoths d’Alaric II. Elle signe la fin du royaume Wisigoth ‘de Toulouse’ (418-507) en Aquitanie.

732 : victoire des Francs de Charles Martel (et des Vascons/Aquitans du duc Eudes) sur les Sarrasins. Elle marque le début de la présence des carolingiens dans le Sud-Ouest.

1356, à Nouaillé-Maupertuis : victoire des Anglais, pendant la guerre de Cent ans. Le roi français Jean le Bon est fait prisonnier.

 

La (ou les) lignes de partage des eaux  entre bassins de la Dordogne ou de la Garonne, et bassin  de la Loire (ou du Rhône) concerne d’autres départements à l’est des Charentes (à suivre)

 

Aux frontières du réel

Aucun découpage n’est innocent, et certainement pas les découpages électoraux ou le choix de frontières. Au moins peut-on s’efforcer de les rendre rationnels et durables.

Un ancien prof de géo nous disait : « je vous enseignerai d’abord la géographie physique, car elle reste stable à long terme, pas la géographie humaine ». Il sera question des deux, et pas seulement du relief des Pyrénées ; mais question aussi de géographie historique : la mémoire du passé même lointain peut éclairer le présent et l’avenir.

« Un peuple sans mémoire (ou sans histoire) est un peuple sans avenir (ou sans âme) »

Le choix des régions a un sens politique, et pas seulement de rationalité économique : en France, les régions (définies depuis les années 70 ; premières élections en 1986) ont été chamboulées en 2015. Pour un résultat discutable, dans le Sud-Ouest notamment.

Géographie électorale : il s’écrit que les euro-circonscriptions multi-régionales (en vigueur depuis 2004) vont être balayées en 2018, pour laisser place à des listes nationales aux élections européennes 2019. Un retour annoncé vers 1979 ?

Ça se discute aussi. Du point de vue de la cohérence des néo-régions et du choix des assemblages faits en 2015, d’une part, mais aussi du point de vue de l’intérêt d’un territoire multi-régional (plutôt que national) pour le vote aux élections européennes en France, et dans le Sud-Ouest en particulier.