Sans exclure la présence de langues « régionales » et de bilinguisme, le latin fut la langue commune de l’empire romain qui disparait au Ve siècle. Il n’y eut plus d’unité politique de la Gaule et en particulier du Midi (sud de la France) sinon par les conquêtes des Francs (Clovis, Charlemagne) puis des rois de France (étalées du XIIIe au XVIIe siècle).
Comment donc serait possible le maintien d’une langue unique du Midi, de l’Atlantique aux Alpes, pendant plus de 1 500 ans ? Les langues ont en fait continué d’évoluer, plus ou moins régionalement. On observe aujourd’hui un nombre important de parlers, regroupés (par linguistique comparative) en catégories dont le nom est légitimé par une province historique (duchés et comtés), et par leur mention depuis plusieurs siècles dans les textes.
Les six regroupements consensuels des parlers d’oc sont : gascon (dont béarnais), languedocien, limousin, auvergnat, provençal et provençal alpin ; les deux derniers concernent les parlers à l’est du Rhône, donc extérieurs au champ de ce site. Ces parlers provinciaux sont les langues vivantes qui ont survécu jusqu’au XXe siècle à l’hégémonie du français dans l’éducation les derniers siècles.
Le point de vue du sociologue Pierre Bourdieu :
« Le fait d’appeler « occitan » la langue que parlent ceux que l’on appelle les « Occitans » parce qu’ils parlent cette langue (que personne ne parle à proprement parler puisqu’elle n’est que la somme d’un très grand nombre de parlers différents) et de nommer « Occitanie », prétendant ainsi à la faire exister comme « région » ou comme « nation » (avec toutes les implications historiquement constituées que ces notions enferment au moment considéré), la région (au sens d’espace physique) où cette langue est parlée, n’est pas une fiction sans effet ».
« En fait, cette langue (l’occitan) est elle-même un artefact social, inventé au prix d’une indifférence décisoire aux différences, qui reproduit au niveau de la « région » l’imposition arbitraire d’une norme unique contre laquelle se dresse le régionalisme et qui ne pourrait devenir le principe réel des pratiques linguistiques qu’au prix d’une inculcation systématique analogue à celle qui a imposé l’usage généralisé du français. »
(Ce que parler veut dire, Fayard 1982, rééd. 2014)